À l’Eurobike dernier, Moustache avait dévoilé un prototype mystérieux arborant le nom de Project Box 46. Le concept laissait entrevoir la volonté de la marque vosgienne de lancer un VTTAE troquant sa transmission classique pour un ensemble moteur et boîte de vitesses intégré au niveau du pédalier. Aujourd’hui, c’est le grand jour, Moustache lève le voile sur le Clutch, nous avons pu le découvrir en avant-première à Freiburg en Allemagne. Présentation et premiers tours de roues :
Moustache Clutch
VTTAE Enduro
Débattement 160mm arrière et 170mm avant
Montage de roues mulet
27,5 kg
Disponible à partir de 7 999€ jusqu’à 9 999€
Le Clutch
Avant de découvrir ce nouveau modèle, prenons un instant pour nous arrêter sur son nom. Les passionnés de sport et de jeux vidéo reconnaîtront peut-être la notion de « Clutch ». Il s’agit de cet instant décisif, cette action réalisée au moment parfait, capable de faire basculer une rencontre en faveur d’une équipe pourtant mal engagée. Le nouveau VTTAE de la marque vosgienne porte fièrement ce nom, comme pour affirmer son arrivée au moment idéal, à contre-courant des tendances habituelles du marché.

Le Clutch est un VTTAE d’enduro doté de 160 mm de débattement arrière, basé sur la cinématique Magic propre à la marque. Sans surprise, son châssis est entièrement en aluminium. Là où il se distingue de son cousin, le Game, c’est par son format de roues différenciées : 29 pouces à l’avant et 27,5 à l’arrière. Un choix qui n’est pas nouveau pour la marque vosgienne, puisqu’elle avait déjà innové dès 2014 avec son tout premier VTTAE en configuration « mulet » : le Samedi FS27/29.

Le Clutch repose sur un ensemble innovant regroupant boîte de vitesses et moteur, le MGU (Motor Gearbox Unit) développé par Pinion. Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette entreprise allemande, Pinion s’est d’abord illustrée dans l’industrie automobile avant de se lancer dans le monde du vélo. Il y a deux ans, la marque a présenté sa solution MGU, qui séduit progressivement plusieurs fabricants de VTTAE. Parmi eux, Rotwild, qui a notamment intégré cette technologie dans son modèle R.X1000.
Pinion MGU

Comme énoncé un peu plus tôt, le Pinion MGU est un ensemble comprenant un moteur et sa boîte de vitesse. Son moteur développe un couple nominal de 85Nm et une puissance en crête de 600W pour un poids de l’ensemble de 4,1Kg. Dernièrement, avec l’arrivée des moteurs DJI et Specialized, on prend l’habitude de retrouver des couples aux alentours 100Nm mais on ne peut pas dire que ce moteur soit à l’ouest niveau chiffre par rapport à la concurrence. Il reste dans les standards actuels du géant Bosch avec le Performance Line CX auquel nous avons dédié une vidéo ici. La boîte de vitesses Pignon offre 12 rapports avec un ratio supérieur à la moyenne de 600% (500% sur une transmission SRAM traditionnelle 12 vitesses).
Côté électrique, le Clutch est équipé d’une batterie amovible de 780 Wh. La motorisation propose quatre modes d’assistance : Eco, Flow, Flex et Fly. Le mode Flex, notamment, s’apparente à ce que propose Bosch avec son mode eMTB, offrant une assistance dynamique adaptée à l’effort du pilote.

Mais ce n’est pas tout : la solution intègre également plusieurs options de gestion des vitesses, allant du manuel à l’automatique :
- Manual : comme son nom l’indique, le passage des vitesses est entièrement manuel.
- Start Select : permet de changer de vitesse à l’arrêt.
- Pre Select : autorise le changement de vitesses aussi bien à l’arrêt qu’en roulant, mais uniquement en descente.
Enfin, deux modes automatiques prennent totalement en charge la gestion des vitesses, que vous pédaliez ou non :
- Auto Shift Pro : passage entièrement automatique sans intervention du pilote.
- Auto Shift : passage automatique des vitesses avec possibilité de sélectionner manuellement votre cadence de pédalage via le shifter.



Pour finir sur la partie électrique, le Pinion MGU débarque avec son shifter TE1, sa commande FIT Remote Pure et son écran d’affichage FIT MASTER venant s’intégrer au sein du tube supérieur.
Les avantages du MGU sur le papier

Sur le papier, le MGU propose de nombreux avantages. Le premier est la répartition des masses. La solution permet de réduire les masses non suspendues puisqu’on troque la cassette classique et son dérailleur pour un tendeur et un unique pignon. Elle permet également de recentrer les masses au niveau du boîtier de pédalier.
Les autres avantages sont la durée de vie, la robustesse et la facilité d’entretien qu’offre l’ensemble Pinion. Une vidange de boîte pour remplacer l’huile est recommandée tous les 10 000km et la courroie assurant la transmission a une durée de vie estimée de 5 000 à 10 000km en fonction de son usure. Il est d’ailleurs important de l’inspecter visuellement régulièrement, car des projections de pierre pourraient l’endommager. Avec un entretien tous les 10 000km, autant vous dire qu’en fonction de votre pratique, vous pourrez être tranquille pendant 2 ou 3 ans sans entretien. Enfin, le remplacement du dérailleur arrière par un tendeur moins exposé permet d’avoir moins de chance de le pulvériser sur les sentiers.

La géométrie du Moustache Clutch

Le Clutch est proposé en 4 tailles différentes de S à XL. Sa géométrie se veut plus aggressive que le Game sans pour autant être extrême par rapport aux autres modèles du marché. L’objectif est sans doute de conserver l’accessibilité qui est l’ADN de la marque française. On retrouve un angle de direction ouvert à 64,2 degré comme le Game 160 et un angle de tube de selle redressé à 77 degré. En taille M, le Reach est de 460mm avec des bases arrières plutôt longues de 450mm pour un empattement total de 1253mm. La géométrie du Clutch laisse présumer d’un vélo stable et accessible comme sait bien le faire Moustache.
La gamme du Moustache Clutch
La gamme Clutch se décline en trois modèles VTT ainsi qu’un modèle SUV, équipé de garde-boue, destiné à une pratique plus tournée vers l’aventure et l’exploration. Petite révolution pour la marque : tous les modèles VTT sont équipés de suspensions ROCKSHOX, une première chez Moustache !
Chaque Clutch embarque une batterie de 780 Wh, l’écran Master Node et le moteur-boîte MGU12 développé par Pinion.
Côté tarifs, le Clutch 160.7, modèle d’entrée de gamme, est proposé à 7 999 €. Contrairement aux autres modèles de la gamme, il utilise une chaîne pour la transmission et non une courroie. Il est équipé d’une suspension ROCKSHOX Domain associée à un amortisseur SuperDeluxe Select, ainsi que de freins Magura MT5.
Positionné au milieu de la gamme, le Clutch 160.8 est affiché à 8 999 €. Il bénéficie d’un ensemble plus haut de gamme avec une fourche ROCKSHOX Zeb et un amortisseur Vivid Select, toujours associé à des freins Magura MT5.
Enfin, au sommet de l’offre, le Clutch 160.9, proposé à 9 999 €, reçoit le meilleur de ROCKSHOX avec un combo Zeb Ultimate / Vivid Ultimate, et s’appuie sur les tout récents freins Magura Gustav Pro pour assurer un freinage puissant et précis.

Pour les amoureux de l’aventure, le modèle SUV, équipé de garde-boue et porte-bagages est proposé à 8 299€ avec une Psylo Silver aux avant-postes et un amortisseur Magic Grip. Tous les Clutch seront disponibles en magasin dès Juin 2025.
Le Moustache Clutch sur le terrain !
Prise en main

Pour découvrir le tout nouveau Clutch, nous avons pris la direction de Freiburg, en Allemagne. Au programme : présentation du vélo et journée de ride aux côtés des équipes Moustache et Pinion.
J’ai eu l’occasion de rouler sur le modèle 160.8, en taille S, parfaitement adapté à mon 1,68 m, sur les superbes sentiers allemands.
Évidemment très curieux et impatient de tester le système MGU développé par Pinion, les premiers tours de roues confirment rapidement une chose : cette motorisation offre une expérience de pilotage résolument différente de ce à quoi nous sommes habitués.

Le MGU se révèle assez bruyant et son comportement n’est pas le plus naturel à l’usage. On ressent quelques à-coups d’assistance lors des changements de rythme ainsi que lors de certains passages de rapports. Cela reste tout à fait correct, mais venant d’essayer le Game — l’un des VTTAE les plus silencieux de sa catégorie avec son moteur Bosch Performance CX Gen 5 —, la différence m’a surpris.
En revanche, pouvoir changer de vitesse à l’arrêt ou sous contrainte, notamment en pleine ascension, est un vrai confort.
Sur piste forestière roulante, le moteur donne l’impression de manquer d’allonge, un peu comme si l’on roulait avec une boîte courte sur un 4×4. Mais dès que le terrain se redresse franchement, le MGU dévoile toute sa puissance : le couple impressionnant délivré par le moteur transforme le Clutch en un véritable tracteur, presque inarrêtable !
Le Pinion MGU sur le terrain

Côté shifter, après avoir exploré les différents modes d’assistance et de gestion des rapports, j’ai majoritairement roulé en mode Fly et Flex. Le mode Flex, en particulier, se rapproche de ce que propose Bosch avec son mode eMTB : l’assistance s’adapte automatiquement à la force appliquée sur les pédales, rendant le pilotage plus naturel.
Concernant les changements de vitesses automatiques, j’ai trouvé que le système fonctionnait correctement sur des pistes forestières, notamment sur les liaisons de type enduro. Un peu comme avec le moteur SRAM Powertrain que nous avions testé sur le GasGas, le MGU montre toutefois ses limites lorsque le terrain devient plus exigeant avec de fréquents changements de rythme, typiques du VTT technique.
En revanche, l’option Auto Shift est particulièrement agréable : elle permet de définir une cadence de pédalage souhaitée, et le moteur s’occupe du reste. Une vraie réussite sur ce point !

Pour ce qui est de l’ergonomie de la commande, du shifter et de l’écran, j’ai trouvé ça très correct. Ils fonctionnent bien. Le shifter ressemble au shifter Shimano Di2 et se manipule parfaitement. On peut venir configurer dans l’application les boutons. La commande ressemble fortement à celle du moteur Fazua. C’est hyper agréable et intuitif à utiliser sur le terrain, en espérant que celle-ci soit plus robuste et ne se remplisse pas de terre. Enfin, l’écran permet d’avoir les infos lisibles et l’interface est assez simple et efficace.
Pour ce qui est de l’autonomie, c’est impossible pour moi d’en parler et d’en tirer des conclusions, car nous avons roulé deux demi-journées et je n’avais pas forcément les batteries pleines à 100%. Ce qui est sûr, c’est qu’en une matinée, nous avons fait plus de 1000m de dénivelé positif sans aucun souci, et heureusement !
Bon le moteur c’est bien beau mais comment il fonctionne ce Clutch ?

Une chose est sûre : le Clutch reste fidèle à l’ADN Moustache ! Le vélo se montre très confortable et accessible. L’angle du tube de selle, bien redressé, offre une position naturelle et agréable, ce qui donne envie d’enchaîner de longues sorties malgré son imposant gabarit.
Justement, en parlant de gabarit, le poids est un élément marquant de ce Clutch. Les équipes de Moustache m’ont annoncé un poids de 27,5 kg — et cela se ressent, particulièrement à l’arrêt lors des manipulations.
À basse vitesse, l’inertie du vélo est bien présente, et il faudra un peu d’engagement pour le manœuvrer. En revanche, une fois lancé, le Clutch se libère : il gagne en maniabilité et devient sensiblement plus dynamique.

Le point positif de son poids, c’est le grip qu’il offre ! En montée raide et technique, le Clutch est bluffant. La recette poids, cinématique Moustache et MGU fonctionne très bien. C’est un vrai tracteur ! Il est capable de grimper n’importe où à condition d’assumer techniquement et physiquement la bête !

Lors de la première journée de test, dans les sections défoncées, j’ai ressenti un avant très souple, trop souple à mon goût. J’avais du mal à bien placer ma roue avant, ce qui me faisait subir le terrain plus que je ne le maîtrisais.
La fourche Zeb Select manque un peu d’hydraulique lorsqu’on commence à hausser le rythme, n’a pas aidé. Pour la seconde session de ride, j’ai donc décidé de l’optimiser en ajoutant un token supplémentaire.
Résultat : la deuxième demi-journée s’est beaucoup mieux déroulée, avec une fourche plus tenue et un avant qui plongeait nettement moins.
Cela dit, j’aurais vraiment aimé pouvoir essayer un Clutch 160.9, équipé de suspensions plus haut de gamme, pour vérifier si ce sentiment de flou venait principalement de la suspension ou, plus fondamentalement, du châssis.

Dans les parties cassantes, j’ai fortement apprécié la cinématique du Clutch qui est plus progressive que celle du Game. J’ai eu la sensation d’avoir un vélo plus dynamique qui rend davantage d’énergie, et cela même avec 28% de SAG arrière. Malgré ses 27,5kg, le Clutch se manipule bien en l’air. On ressent clairement l’équilibre des masses. Le vélo est sain et n’est pas traître. La seule chose qui fait peur, c’est la puissance de freinage des MT5 qui, selon moi, est un peu limite pour un vélo de ce gabarit. On peut s’envoyer en l’air, mais à condition d’être vigilant à bien avoir le temps de freiner pour enchaîner sur la trace. Peut-être que les Gustav Pro du modèle haut de gamme sont plus adaptés, ou alors des SRAM Maven.
Moustache Clutch – Le Verdict
Après cette courte prise en main à Freiburg, selon moi, le Clutch propose une expérience très particulière. D’un côté, le concept du MGU est une super idée pour ceux qui ne veulent pas passer au magasin tous les quatre matins et rouler sereinement sur les sentiers sans avoir peur de tout arracher. De l’autre, on ressent un moteur qui peut et devra s’améliorer sur l’agrément d’assistance et la performance. Pour le moment, même si les masses sont mieux réparties et un Clutch qui fonctionne bien, le MGU de chez Pinion ne me semble pas à la hauteur d’un point de vue performance de ce que peuvent proposer les motoristes leader du marché. Mais la performance ne fait pas tout…

J’ai vraiment hâte d’avoir l’occasion de rouler ce Clutch et son MGU à la maison pour mettre à l’épreuve sa robustesse et trouver les bons réglages moteur, car je suis persuadé qu’il faut prendre le temps de comprendre cette motorisation pour en tirer le meilleur.