Pauline Ferrand-Prevot a connu une lourde déception lors des JO de Tokyo. Grande favorite, elle a vu s’échapper la victoire suite à une chute et une malencontreuse crevaison. La déception des français a été grande et les réactions parfois vives envers la championne Française de Cross Country. Pauline Ferrand-Prevot s’exprime aujourd’hui dans une interview, sur ses dernières semaines et sa victoire lors des championnats d’Europe en Serbie.

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Trois semaines après les Jeux, comment te sens-tu ? On peut revenir dessus ?
Il a fallu digérer… Le résultat de la course d’abord. Et les commentaires autour ensuite. Digérer le résultat de la course a été facilité par le fait que j’ai roulé à Tokyo avec des jambes comme je n’en avais jamais eu de toute ma carrière. Mon objectif numéro 1, celui que je maîtrisais le mieux, c’était ça: me dire que je m’étais préparée comme je l’avais souhaité, autant que je le voulais, et que le jour J, les jambes répondent présentes. De ce côté-ci, ça a été le cas.

Alors qu’est-ce qui a péché selon toi ?
Aujourd’hui, avec le recul, je dirais que je m’étais préparée à tout, et surtout à un tracé ultra engagé. À tout… sauf à la pluie! Enfin, côté matériel, si, bien sûr, tout était prévu, nous avions les pneus adaptés et le choix a été bon. Ça peut sembler fou, mais en fait, je crois que je ne m’étais pas projetée concrètement dans une course sous la pluie qui allait en quelque sorte changer la donne complètement, transformer ce circuit « gros cœur » en un « chantier »… Je n’avais pas envie de ça, donc je crois que voir ces seaux d’eau tomber le matin, ça a créé une petite faille. Il a fallu se bagarrer contre, se remobiliser. Comme il a fallu se battre ensuite pour revenir de ma chute en début de course, ne pas se laisser abattre, tout donner pour aller chercher une médaille. Comme il a fallu se battre enfin pour ne rien lâcher après ma crevaison. Alors au final, le résultat est forcément décevant – et en premier lieu pour moi ! – mais je me suis battue jusqu’au bout. Je n’ai pas baissé les bras.

Pauline Ferrand Prévot à Tokyo

Tu parlais de la digestion aussi des commentaires après la course… Tu nous en dis plus ?
Depuis Rio, je sais que les médias peuvent avoir des mots très durs et une analyse un peu déplacée de la course autant que des performances des athlètes. Ça ne m’amuse pas. Pas plus que les commentaires irrespectueux sur les réseaux sociaux. On me dira « c’est le jeu! », mais non ! À quoi ça sert ? Quand certains médias ont parlé d’ « autopsie d’un désastre », de « faire illusion » de « finir très loin derrière », ce sont des mots qui dépassent la réalité. Ce n’est pas respectueux du travail des athlètes – qui sont toujours les premiers déçus, il ne faut pas l’oublier ! Personne ne souffre et ne donne autant que nous pour essayer de décrocher ces titres ! Mais contrairement aux réseaux et médias, aucun athlète ne vous dira qu’il va gagner à coup sûr! Il dira sans doute qu’il va essayer de tout faire pour… Il y a une sacrée différence ! Alors cette attitude inutilement dévalorisante, inutilement blessante, moi, ça m’énerve, et je ne me gêne plus pour le dire aujourd’hui. Mais je te rassure, quand les gens sont polis et respectueux avec moi, je le suis aussi avec eux (rires) !

Ton absence a été remarquée ensuite sur le Trocadéro pour le retour des JO…
Quoi que je fasse, j’ai bien l’impression qu’on trouvera à redire, donc j’essaie juste de faire du mieux que je peux avec qui je suis. Et je suis quelqu’un qui met énormément d’énergie à se préparer. Les gens ne le savent peut-être pas, mais après des mondiaux ou une saison, il me faut en général deux à trois semaines de repos complet. Je dors plus de 12 heures par nuit et je refais des siestes la journée, je suis complètement vidée. Donc quand, en plus, le résultat n’est pas à la hauteur de cet engagement, que je me sais attendue par des journalistes pas forcément bienveillants ni même neutres et que j’ai déjà dit via mes réseaux ce que j’avais pensé de ces Jeux qui, selon moi, comportent des points de progression importants au niveau de l’équipe ou de ma préparation, je décline et vais m’isoler. Pour faire le point, trier le bon, analyser le mauvais, savoir où je veux aller, comment je veux rebondir, récupérer de tout ça. Chacun fonctionne différemment, et ça n’a rien à voir avec être professionnel ou pas. Ça a tout à voir, en revanche, avec la liberté d’être soi-même.

En ça, ta victoire aux championnats d’Europe, en Serbie, a eu un goût de revanche, non ?
De revanche, non. De soulagement, oui. Parce qu’à un moment, j’ai pensé que, alors que je n’avais jamais travaillé aussi dur de toute ma carrière, peut-être que j’allais faire une saison blanche, c’est-à-dire sans ces fameuses récompenses type médailles ou maillots qui viennent saluer ton engagement. Et là, c’est comme si le sol s’était ouvert sous mes pieds. Surtout que j’étais bien placée pour savoir que rien n’est jamais joué, et que la forme ne suffit pas. Donc c’était assez angoissant. Quand on est sportif de haut niveau, le doute est partout, et refuser de le laisser gagner est parfois une première victoire. Alors quand elle est saluée par une première place, un nouveau  titre, ça fait du bien… jusqu’à l’incertitude de la prochaine échéance que sont les mondiaux, fin août. Mais maintenant, j’ai juste hâte de savoir ce que je vais y vivre et de finir de me préparer pour y donner le meilleur !

Actuellement en Croatie pour peaufiner sa préparation, Pauline Ferrand-Prevot est déjà focus sur les championnats du monde XC qui ont lieu en Italie la semaine prochaine. On lui souhaite de connaître le même succès qu’en Serbie…

Hugo Rodriguez
Je suis le doyen et aussi fondateur de la Team. J'ai le Bike dans la peau et j'adore tester et expérimenter tout ce qui me passe entre les mains. Je suis pas le plus technique ni physique des pilotes de la Team mais vous pourrez compter sur mon pointillisme exacerbé.