Fin des années 90, dans le sud de Taïwan. Un jeune ingénieur, patron d’une petite usine de fabrication de pièces pour cadres de vélo, s’amuse à ajuster son siège de bureau. C’est alors qu’une idée lui traverse l’esprit : et si une selle de vélo pouvait se régler aussi facilement ?
Ce jeune homme, c’est Martin Hsu, et il ne le sait pas encore, mais cette intuition va révolutionner le monde du VTT. Quelques années plus tard, son concept devient réalité : en 1998, la première tige de selle télescopique voit le jour et est commercialisée sous le nom de KS Suspension, marquant un tournant dans l’histoire du tout-terrain.
KS Suspension
L’histoire de KS Suspension
Taïwan ne doit pas son surnom d’île aux vélos au hasard, mais bien à son industrie du cycle florissante. Sans entrer dans une analyse géopolitique détaillée, c’est à la suite de sa séparation avec la Chine continentale dans les années 50 que la jeune république a su tirer parti de son ouverture à l’Occident et de sa position insulaire stratégique pour connaître un essor industriel fulgurant.
Parmi les nombreuses industries de pointe qui s’y sont implantées, celle du cycle s’est imposée comme un pilier majeur. Aujourd’hui, la plupart des grands fabricants mondiaux y sont installés, un développement amorcé à une époque où l’essor de l’industrie automobile sonnait le déclin d’une partie de la production cycliste européenne.
C’est dans ce contexte que la marque taïwanaise qui deviendra plus tard Kind Shock – ou KS pour les intimes – a vu le jour, animée dès ses débuts par une démarche d’innovation constante. Retournons sur l’histoire d’une entreprise pionnière qui a marqué l’univers du VTT.
À l’origine, la famille Hsu possédait une petite manufacture de pièces de cadre, tel que des douilles de direction ou de boîtiers de pédalier. Si la situation actuelle de KS a justifié de nouveaux locaux modernes et surtout bien plus vastes, Martin n’a pas oublié ses origines et la petite fabrique familiale a été transformée en espace d’accueil pour ses invités.

Il y a encore quelques d’années les locaux étaient toujours en usage et Michaël le fils aîné de la famille a grandi dans cet univers.

L’innovation avant tout
Les modèles phares
Tel le sous-fétiche de Picsou, voici la toute première tige de selle télescopique de l’histoire. Pour rappel, elle fait son apparition à une époque où les freins à disque nous arrivaient à peine et où les suspensions s’apparentaient plus à des pogo-stick. Si on retrouve une conception très simple avec juste un ressort et un blocage mécanique, les bases de nos tiges de selles modernes sont déjà présentes.


Fast-forward de quelques années, et on se retrouve avec toute une série de tiges de selle KS, dont la célèbre 950-R ou, ici, la plus récente Super Natural que l’on peut voir à cœur ouvert. Ces modèles sont parmi les premiers développés en hydro-pneumatique et à réglage infini, là où sa plus sérieuse concurrente était probablement la Gravity Dropper, avant l’avènement de la Reverb…


En plus de proposer jusqu’à 125mm de débattement (un must pour l’époque), cette Super Natural sera aussi la première tige de selle hydraulique en 27.2.
Quelques années plus tard, la marque persiste dans l’innovation en proposant avec la LEV, le premier modèle de tige à câble fixe.
Les plus “anciens” d’entre nous se souviendront de cette époque où la gaine, fixée sur la tête de la tige, descendait à chaque usage. Le surplus de longueur créant ainsi des boucles disgracieuses et qui avaient la fâcheuse habitude de se prendre dans les jambes ou de frotter les peintures…
Dans la foulée, la LEV integra voit le jour et pose les bases de toutes les tiges de selle modernes avec un passage de câble en interne que l’on connait aujourd’hui.


Les petits détails
Si la suite de l’histoire de KS semble moins révolutionnaire, il faut en réalité se pencher sur le détail des produits pour en saisir l’innovation :
Première tige de selle en carbone pour le XC, puis à grand débattement pour l’enduro et, par la suite, une tige de selle dédiée au gravel.
Dernière née de chez KS, la LEV Circuit est la réponse de la marque à l’émergence des tiges de selle à commande électronique qui éliminent définitivement le besoin de câble.

Mais l’innovation n’est pas prête de s’arrêter à l’autre bout du monde et j’ai pu entrevoir quelques prototypes qui augurent encore de belles années.
Les entrailles de la compagnie taïwanaise :
R&D
Profitons de ce nouveau modèle pour explorer un peu les entrailles de la compagnie taïwanaise.
Tout commence dans les bureaux de R&D où les ingénieurs disposent de nombreux outils de conception. L’impression 3D a notamment pris place sur quelques établis et permet de visualiser presque immédiatement les concepts dessinés sur ordinateur.



Ces bureaux recèlent aussi un atelier bien garni qui permet aux ingénieurs de démonter et scruter les différents prototypes, que ce soit après une bonne séance de torture ou de ride.
C’est d’ailleurs une des particularités chez KS, la plupart des responsables et employés clés sont des riders et les produits sont donc conçus pour répondre à leurs exigences.
On retrouve par exemple une belle pumptrack dans la cour de l’usine.


Passage des normes
Au rez-de-chaussée, dans une pièce un peu en retrait, quelques machines bourdonnent, et si les tiges pouvaient parler, on serait sûrement revenu au temps de l’inquisition. Dans cette salle de torture, les tiges sont soumises à toutes sortes de contraintes : utilisation intensive via des répétitions de cycles de fonctionnement en charge, torsions, flexions, etc. L’objectif est simple : valider et dépasser les normes imposées par l’industrie.





La production
Il est ensuite temps de passer à l’atelier de production. En prévision de son développement futur, la compagnie a prévu de vastes locaux. Pour le moment, la chaîne de production concerne presque exclusivement les tiges de selles.

La fabrication des différents éléments est assurée sur d’autres sites ou sous-traitée pour les pièces les plus techniques, et nous ne verrons ici que les étapes d’assemblage.
La première machine que nous découvrons permet de trier, organiser et empaqueter les petites pièces périphériques telles que les arrêts de câbles.


Chronologiquement, l’étape suivante nous est restée interdite. Derrière ce sas se cache une salle blanche où les cartouches qui arrivent pré-assemblées le sont complètement et sont remplies d’huile et chargées en azote (à priori).

De retour dans l’atelier, on découvre un travail encore largement manuel. Chaque employé est assigné à un poste correspondant à une étape de l’assemblage. Selon les jours, les tâches peuvent varier, dépendant principalement des modèles assemblés sur le moment.



À chaque poste, on découvre des outils spécifiques ou simplement modifiés pour simplifier la tâche des employés et permettre une meilleure efficacité et qualité d’assemblage.

Contrôle qualité
Juste à l’extérieur de l’atelier d’assemblage, on retrouve les machines de contrôle qualité. Si certaines étapes de contrôle des éléments se font manuellement, les tiges de selle terminées sont testées par un automate. Après un temps de repos suffisamment long, le fonctionnement de l’hydraulique est testé afin d’éliminer toute tige de selle défectueuse. Une fois cette étape validée, la tige est gravée au laser et empaquetée avant d’être envoyée à l’entrepôt d’où elle ira rejoindre nos vélos après un long chemin !



Je tiens à remercier Martin, Michaël et toute la KS family pour leur accueil, pour avoir rendu ce voyage possible et surtout d’en avoir fait une superbe aventure humaine.
De notre côté, la Lev Circuit est (entre autres) en test depuis un bon moment et on vous prépare un beau petit dossier. Affaire à suivre…