Quand on parle de produits chinois, on peut légitimement se poser des questions quant à la qualité des produits. A l’image de ce qui est proposé à la vente sur un site asiatique bien connu. Quand la marque Elitewheels nous a contacté pour nous proposer de tester leur paire de roues carbone, nous y avons donc regardé à deux fois avant d’accepter. Voyant que la marque chinoise fabriquait des jantes en carbone depuis 10 ans, notre curiosité nous a poussé à mettre à l’épreuve l’une des paires de roues carbone parmi les moins cher du marché. Que valent les Elitewheels Pro36 ? Méritent elles qu’on s’y intéresse ? Réponse dans cet essai
ELITEWHEELS PRO36
Roues VTT Carbone XC/All-Mountain
1515 gr / 690 €
Testé par Rémi
Contrairement au marché des suspensions où le nombre de fabricants pourrait presque se compter sur les doigts, celui des roues foisonne de fabricants et il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. D’un coté on trouve les fabricants de composants bien établis qui conçoivent et souvent produisent leur matériel. De l’autre il y a les fabricants généralistes qui offrent leurs catalogues à la première monte, parfois même sous forme de roues déjà montées.
Sur le marché du carbone, ce constat est particulièrement flagrant et on retrouve des jantes ou moyeux en apparence identiques sur des grands sites Chinois tout autant qu’au catalogue de monteurs spécialisés. Aujourd’hui, focus sur la marque chinoise Elitewheels, qui fabrique des jantes carbone depuis 2013 et qui cherche à investir le marché Européen avec des roues en carbone à prix (disons-le) imbattable.
Look / Finition
A première vue le look est plutôt classique avec des roues « full-black », à l’exception des stickers blancs assez larges et plutôt disgracieux (enfin je trouve). En se rapprochant un peu, la finition s’avère nettement plus qualitative avec une finition UD gloss bien réussie. Les marquages ne sont pas de simples stickers mais sont intégrés sous le vernis (Un gage de durabilité de la finition). En revanche dommage si vous vouliez les retirer. Ceci dit, plusieurs couleurs de marquage sont disponibles, notamment le noir qui les rendrait bien plus discrets.
Le montage s’avère plutôt classique: moyeux génériques en straight-pull (les mêmes que ceux présent sur les Amaruq testées il y a quelques mois), qui disposent de 36 points d’engagements et sont disponibles avec tous les standards de corps de roue libre, ainsi qu’en fixations de disque 6 trous ou centerlock. Il est de plus possible de choisir les anciens entraxes (135 et 142) ainsi que le boost. Les 28 rayons sont des Sapim Cx-Ray (la référence actuelle en rayon plat) et les jantes Elitewheels asymétriques en 30mm interne (pour 36mm externe, d’où le nom) et 24mm de hauteur complètent le package.
Au niveau du montage, Elitewheels annonce qu’il est intégralement réalisé à la main et que chaque roue est reprise 16 fois pour atteindre un montage de qualité et durable. A la sortie de la boite, les paramètres classiques que sont le saut, le voile et le centrage sont très bien maîtrisés. La tension des rayons est assez homogène pour chaque nappe mais l’équilibre entre les nappes n’est pas incroyable. Ce dernier paramètre est lié à la géométrie du moyeu, et plus précisément à l’asymétrie de l’écartement des flasques par rapport au centre du moyeu. Comme toujours quand il s’agit des roues, un bon équilibre et une bonne homogénéité des paramètres sont gages de fiabilité et de solidité. Au global on a donc un bon montage mais qui est quelque peu bridé par la géométrie des moyeux et surtout qui n’atteint pas le niveau d’un bon montage artisanal (vous pourrez retrouver plus bas, le graphique des tensions de rayons que j’ai pu effectuer avant et après le test).
Pour terminer le scotch et les valves sont livrés installés sur les roues. Si la pose du scotch est vraiment très propre, la finition au niveau du trou de valve mériterait un coup d’ébavurage. Il est intéressant aussi de noter qu’Elitewheels propose un service de livraison (actuellement gratuit) aux taxes d’importation incluses. La marque a récemment sorti une paire de roues baptisée Gnar Trail un peu plus gaillardes et un peu plus lourdes malgré un programme annoncé identique. Ces dernières sont équipées d’un nouveau moyeu Elite à 320 points d’engagements.
Sur le terrain
Elite annonce un programme allant du XC au All-mountain, je les ai donc monté sur mon petit vélo de Trail, un Transition Spur en 130/120mm.
Dynamisme et précision
J’en ai déjà parlé sur d’autres tests : je trouve que le carbone apporte toujours un gain de dynamisme notable par rapport à des roues aluminium de poids identique. Quand en plus les roues s’avèrent particulièrement légères comme ici, presque tous les vélos se verront transfigurés. Le moindre coup de pédale propulse le vélo en avant et la faible inertie est vraiment propice à ma pratique du vtt qui enchaine beaucoup les changements de rythmes et pousse à relancer très souvent.
Les roues sont bien aidées par des moyeux qui se sont montrés très fluides sur le terrain et qui participent à ce sentiment de dynamisme. Malgré « seulement » 36 points d’engagements je n’ai pas spécialement été mis en difficulté lors de montées techniques. Ceci dit un nombre de points d’engagements plus élevé serait le bienvenu, à condition de ne pas sacrifier en fiabilité.
Le dynamisme n’est pas qu’affaire de pédalage et la légèreté de cette paire de PRO36 se ressent aussi dans la vivacité du vélo, notamment sur les changements d’angles et de direction. Comme la plupart du temps avec les roues carbone, la rigidité est bien présente et permet une bonne précision de pilotage. Cet aspect renforce encore la sensation de vivacité de ces roues Elite.
Avec cette paire de roues, l’association d’un faible poids et de la rigidité du carbone bascule presque dans l’excès. En effet les curseurs de vivacité et de dynamisme sont vraiment poussés loin et peuvent rendre le vélo trop réactif. Attention au « coup de raquette » après un gros appui par exemple.
Confort et tolérance
Ces roues Elite ont tout de suite trouvé place sur mon Spur et le mariage s’est avéré plutôt heureux. La rigidité n’est pas trop importante à mon goût et le confort n’en pâtit pas. Le profil plutôt bas de 24mm vient sûrement jouer son rôle ici.
Comme je l’évoquais au paragraphe précédent, j’ai trouvé cette paire assez exigeante techniquement. A l’inverse, elles sont physiquement très accessibles. J’ai passé ces PRO36 à l’épreuve de la « barre à mine » en les montant sur mon YT Izzo. Le bilan est plutôt flatteur et à ce jour ce sont les roues carbone qui se sont le mieux mariées à ce cadre bien rigide. Elles se classent devant les Amaruq adrénaline (qui n’ont pas le même programme) et loin devant la rigidité extrême des DT-Swiss EXC 1200 montées sur le Izzo Pro Race que nous avions testé.
Cela dit, Arthur qui m’a prêté main forte sur ce test a noté une perte de confort plus marquée sur son Marin Alpine Trail, sans remettre en doute le gain en dynamisme. Il est intéressant de noter qu’il aura poussé les roues un peu au-delà de leur programme, et que contrairement à lui, je roule presque exclusivement sur des roues carbone depuis plusieurs années maintenant. Il est donc évident que j’ai fini par m’habituer au comportement du carbone. Le retour sur l’alu me donne d’ailleurs souvent l’impression de rouler sur un vélo un peu mou, presque flou.
Solidité et durabilité
En plusieurs mois de riding dans le programme recommandé de ces roues (à savoir trail engagé et même quelques sorties enduro), la paire ne montre aucun signe d’usure particulière. La finition n’a pas trop bougé et montre assez peu de marques. Les moyeux tournent toujours aussi rond.
Lors des premières sorties les rayons ont eu tendance à chanter un peu, ce qui est souvent signe que les roues n’ont pas été suffisamment “cassées” puis reprises (l’étape la plus longue au montage). La conséquence est généralement une perte d’homogénéité des tensions avec un risque d’apparition de saut ou de voile et surtout un risque accru de casse de rayon.
J’ai repassé les roues au banc à l’issue du test et à ma grande surprise, le saut et le voile n’ont pas bougé. Les tensions de la roue avant ont peu évolué mais l’homogénéité a légèrement bougé. La roue arrière en revanche accuse une chute de tension plus importante ainsi qu’une légère perte d’homogénéité. Ces points se retrouvent sur les graphiques de tensions suivants, où l’objectif est d’avoir un tracé le plus régulier possible, signe de tensions parfaitement homogènes. Globalement la tension reste satisfaisante en considérant les contraintes imposées par les moyeux.
Au final les premières impressions sont confirmées et le montage est assez bon, certainement au dessus d’un montage à la chaîne classique mais un bon cran en dessous d’un montage artisanal de qualité. Si la qualité globale correspond à mes attentes vu le type de produit, on pourrait s’attendre à mieux vue les allégations marketing de la marque.
De façon plus globale, le montage est suffisamment standard pour assurer un bon « indice de réparabilité. Les rayons, bien qu’étant droit et donc moins courants que les rayons coudés, restent une référence assez classique pour facilement pouvoir s’en procurer. Avec l’augmentation des montages straightpull, il est même possible d’en trouver en stock chez le vélociste local. De même, le montage avec écrous externes rend l’entretien bien plus simple. En revanche, si les moyeux sont très facilement trouvables sur le marché, il n’existe aucune garantie de pouvoir trouver des pièces détachées d’ici quelques années, contrairement à bon nombre de grandes marques établies.
L’envers du décor
Comme vous pouvez le voir, le bilan est très positif: une bonne paire de roues, efficace sur le terrain, bien finie et à prix largement en dessous de la concurrence. Et pourtant il nous reste une grande part d’incertitude à la fin de ce test… Est-il vraiment pertinent et conseillé d’acheter son matos à l’autre bout du monde ?
Je ne rentrerai pas dans l’aspect éthique et écologique, tout simplement parce que l’immense majorité de notre matériel est produit en Asie et que rien ne vous assure qu’en payant le prix fort d’une marque réputée la production soit plus « propre ». De la même façon, vos roues d’une marque plus locale peuvent avoir fait deux fois le tour du monde, alors qu’ici l’expédition est directe du fabricant à l’acheteur.
En revanche, s’il y a un point à discuter, c’est bien celui des garanties. Elite propose une garantie de trois ans sur les roues, ainsi qu’un service de crash remplacement. La garantie couvre les défauts de fabrication et vices, tandis que le crash replacement couvre les dommages accidentels.
Malgré tout, gérer une prise en charge à l’autre bout du monde peut faire peur. Elite nous a annoncé que l’évaluation de la prise en garantie pouvait se faire à distance via photos et vidéos et que, le cas échéant, tous les frais (notamment d’envoi) étaient pris en charge. Et surtout la marque annonce avoir un service center en France (et dans de nombreux autres pays), normalement un gage de rapidité de prise en charge.
Autre point abordé avec la marque, leurs roues ne sont à ce jour pas certifiées CE. Après quelques recherches il est difficile de mesurer toutes les implications légales sans être bien versé dans le juridique. Sans compter que les modèles route de la marque sont certifiés par l’UCI, ce qui brouille encore un peu les cartes. Il n’empêche que ce point nous laisse pensif sur la légalité des transactions en Europe ainsi que sur les recours possibles en cas de litiges. D’un autre côté, une marque cherchant à se créer une réputation inspire infiniment plus confiance que les innombrables vendeurs des plateformes asiatiques bien connues.
Elitewheels Pro36 : C’est l’heure du bilan
Synthèse
Ces roues en import direct de l’Asie peuvent paraître une super affaire, et sur le papier comme sur le terrain le rapport qualité-prix est vraiment très bon. Il reste cependant quelques ombres au tableau qui incitent à la prudence. Néanmoins, Elite semble se donner les moyens nécessaires pour se placer aux avant-postes de la vente directe.
+ Rapport qualité-prix
+ Dynamisme et précision extra
+ Confort contrôlé
+ Montage satisfaisant
– Pas de certification européenne !
– Exigeantes techniquement
– Toujours plus raide que l’alu
– Géométrie des moyeux moyenne
– Montage en deçà d’un bon montage artisanal