Est-il vraiment nécessaire de vous présenter la marque de Morgan HILL ? Créée en 1974 par Mike Sinyard, Specialized commence par distribuer des composants italiens de vélo de route avant de proposer ses propres produits. C’est en 1981 que la compagnie Californienne va créer une petite révolution dans le monde du vélo en vendant le premier MTB grand publique de l’histoire, le Stumpjumper… Quarante ans plus tard, le modèle iconique est toujours au catalogue et se veut toujours comme le point de pivot de la gamme avec une orientation trail/all-mountain. Depuis 2019 la gamme se voit à nouveau dotée d’un modèle Evo, qui propose une vision nettement plus radicale du Stump. Révisée en 2021, nous avons testé la version la plus abordable en Aluminium, le Specialized Stumpjumper Evo Comp Alloy.
Specialized Stumpjumper Evo – On fait connaissance
Specialized Stumpjumper Evo Comp | 160/150 mm
poids 16.2 kg | 4200 €
Site Web Specialized
Pour 2021 le Stumpjumper Evo continue sur la lancée du 2019 et se distingue vraiment comme un modèle à part entière. En plus d’une géométrie et d’un équipement plus agressifs que le modèle classique, l’Evo se voit doté de 10mm de débattement supplémentaire à chaque extrémité pour atteindre 160/150mm avant/arrière. Ce nouveau millésime n’est disponible qu’en 29″ mais il est possible d’acheter un kit pour le rendre compatible Mullet (roue arrière de 27.5) pour environ 75€.
La gamme est composée de deux modèles alu (Comp et Elite) affichés à 4200€ et 6300€ et de 4 modèles carbone allant de 5700€ pour le Comp à 13200€ pour le S-Works. Enfin le cadre carbone est disponible seul au tarif de 4000€. Le modèle en test est le plus abordable de la gamme, le Comp Alloy.
L’équipement
- Fourche : FOX FLOAT 36 Rhythm, GRIP. 160mm, déport 44mm
- Amortisseur : FOX FLOAT X Performance, Rx Trail Tune, 210x55mm
- Transmission : Sram NX Eagle
- Roues : Specialized Alu 30mm interne TLR
- Pneus : Butcher GRID TRAIL 2.3″ T9 / Eliminator GRID TRAIL 2.3″ T7
- Freins : Sram Code R 200/200mm
- Tige de selle : X-Fusion Manic 150mm
- Selle :Specialized Bridge Comp
- Poste de pilotage : Specialized aluminium 35mm
La 36 Rythm en 160 mm est la fourche entrée de gamme de chez Fox mais elle fait déjà un très bon travail.
Un pneu déjà testé et approuvé, le Butcher ici en carcasse Grid Trail et gomme T9
Un amortisseur Fox Float X assure les arrières et peut se verrouiller au besoin.
Potence et cintre estampillés Specialized dont l’ergonomie est plutôt bonne. Le cintre en 800 mm sera sûrement à recouper pour la majorité d’entre vous.
La transmission en Sram NX Eagle avec une cassette en 11/50 est assez lourde sur le papier mais fonctionne bien.
La tige de selle X-Fusion n’a pas montré autant de frottement que lors de l’essai du Scor 4060 LT . Elle s’est montrée plus agréable à l’utilisation.
L’équipement est globalement bien équilibré. On est sur un ensemble entrée de gamme, mais tous les composants offrent un fonctionnement parfaitement satisfaisant et adapté à la pratique. Comme souvent c’est du coté des roues que l’on trouve le point faible, avec un montage maison assez peu flatteur et lourd. En revanche les pneus maisons sont des modèles haut de gammes, là où beaucoup de marques viennent encore rogner avec des gommes moins qualitatives.
Les chiffres
Une des grandes particularité de ce Stumpjumper Evo est de proposer pas moins de six géométries différentes, avec notamment un angle de direction pouvant varier de 63° à 65,5°. Pour ce faire, le cadre possède un jeu de direction spécifique avec deux cuvettes, une cuvette neutre et une réversible +/- 1° qui permettent d’ajuster l’angle de direction sans influence majeure sur l’angle de selle ou le Reach. De plus le point de pivot entre base et hauban est monté sur un flip-chip permettant en revanche de modifier la hauteur du boitier, la longueur des bases et le Reach de 5mm et les angles de 0,5°.
Pour s’y retrouver, Specialized propose un configurateur en ligne (ici) qui permet au choix d’explorer les géométries selon la configuration choisie ou de proposer une configuration selon le type de terrain roulé. Après quelques essais c’est la position du flip-chip en position basse et la douille en position neutre qui m’a le plus convaincu et qui correspond d’ailleurs aux recommandations du configurateur pour mon type de terrain.
Dans cette configuration le Stumpjumper propose un angle bien ouvert avec 64°, un tube de selle bien redressé et court à presque 77° pour 405mm. Si l’empattement et les bases sont bien longs avec 1220mm et 443mm, l’avant est plus compact avec un reach de 443mm. Pour compléter le tiercé du « longer, lower, slacker » on retrouve un boitier vraiment bas à 333mm (soit 42mm de drop).
Cette géométrie se montre plutôt atypique avec un vélo très équilibré entre avant et arrière alors que la tendance actuelle, surtout en enduro, semble mettre l’accent sur un avant plus long. Et si je parle d’enduro, c’est parce que les chiffres de ce Stumpjumper le classent plus dans cette catégorie que dans celle des all-mountain.
Look et Finition
Look
Après de nombreuses générations de Stumpjumper aux tubes toujours plus torturés, le retour à des lignes plus tendues n’est pas pour me déplaire. L’asymétrie du cadre est maintenue et permet de facilement le reconnaitre de profil. L’aluminium se pare de gros tubes (notamment le diagonal pour intégrer la SWAT box) et ressemble plus que jamais au cadre carbone, sans toutefois en atteindre l’harmonie.
Les coloris de la gamme se veulent globalement sobres, dans l’air du temps, et cette version Comp l’est particulièrement avec son cadre gris et ses composants noirs. Je trouve le rendu un peu austère et un peu de couleur ne m’aurait pas déplu…
Finition
Specialized fait parti des marques à la finition la plus poussée du marché, même sur ses modèles alu. On retrouve par exemple un passage interne complet des gaines, avec notamment une jonction invisible entre les deux triangles.
La grande nouveauté est l’apparition de la SWAT Box sur le cadre alu, une première pour Specialized. Si l’ouverture n’est pas aussi importante que sur les modèles carbone, elle reste assez incroyablement logeable puisque l’intégralité du tube diagonal est exploitable.
Le passage des câbles entre le triangle avant et arrière est très ingénieux. Contrairement au modèle carbone, l’alu n’est pas pourvu de soufflet qui protège des infiltrations.
Même constat à l’entrée des câbles derrière la douille de direction. C’est propre et net !
Joli travail sur les biellettes…
Pour parfaire la finition, le cadre possède la classique protection sur la base droite, crénelée pour atténuer efficacement les bruits de chaine. On regrette en revanche l’absence de protection sous le boitier de pédalier ou au niveau du passage de gaine entre les deux triangles qui peut faire porte d’entrée pour la saleté. On notera enfin que la peinture matte s’est montrée particulièrement résistante tout au long de notre test.
La protection de base fait un bon travail et est parfaitement ajustée
Il manque une protection du Down-Tube !!
Specialized Stumpjumper Evo – Place à l’action
Possesseur d’un Stumpjumper Evo 2019 et d’un Enduro 2020, j’ai quelques bases de comparaison et pour tester ce nouveau Stump Evo j’ai été épaulé par le coup de guidon acéré de Gonz !
Position
Testé en taille S3, la position m’est apparue assez naturelle. Un peu courte en comparaison de mon Enduro (plus proche d’un S4), mais très proche de mon ancien Evo S2. Le cintre d’origine en 800mm à vite laissé la place à un 760mm (pour ne pas recouper celui du vélo de test) et j’ai pu retrouver mes repères. Entre la douille haute et la tige de selle bien droite, la position est assez relevée mais reste équilibrée. Bref, la prise en main s’est faite rapidement et je me suis vite senti comme à la maison.
Ergonomie
J’ai retrouvé sur ce modèle tous les aspects ergonomiques qui m’avaient attiré chez Specialized: la possibilité de mettre une gourde de grande contenance et surtout la fabuleuse SWAT Box qui propose un espace de rangement incroyable. On peut y faire tenir tout le nécessaire de réparation (chambre, pompe, mèches, multitool…) et encore avoir la place de ranger un vêtement léger (première couche, coupe vent sans manche). Autre point positif, le blocage de l’amortisseur est très accessible.
Dans le D+
Avec sa position bien relevée, ce Stumpjumper met dans de bonnes conditions pour pédaler. Le travail sur la cinématique a en plus permis d’améliorer le rendement par rapport au précédent modèle. Avec un poids de 16.2 kg, il ne faut quand même pas s’attendre à un foudre de guerre, mais en roulant tranquillement le poids ne se fait étonnamment pas trop sentir et le Stumpjumper Evo Comp Alloy montre des qualités de grimpeur étonnantes.
Quand la pente se fait plus raide, la longueur du vélo lui permet de ne jamais cabrer. Avec un pneu qui accroche bien et une suspension qui reste suffisamment active, on peut littéralement grimper aux arbres. Le revers de la médaille avec cette géométrie très longue et ouverte, est de devoir bien anticiper les changement de direction. Les épingles en particulier demandent un choix de ligne attentif pour être correctement négociées.
En jouant avec les ajustements de géométrie, il est possible de modifier un peu le comportement en grimpette. En relevant le boitier et en fermant l’angle, la position bascule un peu sur l’avant et permet de gagner un poil de facilité dans le technique. Si la différence est notable, elle reste assez faible et je n’y ai pas spécialement trouvé de gain.
Dans le D-
Confort
Avec un débattement généreux pour la catégorie, on pouvait s’attendre à beaucoup de confort. Mission accomplie à l’avant où la 36 Rythm nous a vraiment convaincu malgré son placement entrée de gamme. A l’arrière le bilan est plus partagé. Quand on ne le pousse pas trop, le vélo gère très bien les impacts. C’est quand la vitesse augmente que les choses se dégradent. Sur les gros impacts ou les impacts répétés (champ de racines typiquement) j’ai trouvé un vrai manque de confort. La suspension a tendance à percuter et l’arrière peut même devenir difficile à bien tenir dans les cas extrêmes. Ce genre de symptômes m’oriente vers une gestion hydraulique des hautes vitesses à revoir, mais sans changer d’amortisseur il est impossible d’en être certain.
Freinage
Si les Code R ne possèdent pas tous les réglages et coquetteries des modèles haut de gamme, avec une paire de disques en 200mm le freinage est particulièrement puissant. Je ne suis pas un grand fan du toucher Sram et pourtant je ne peux pas réellement prendre ces Code en défaut. Le vélo reste assez neutre et les freinages se font sans mauvaise surprise. Les pneus font eux aussi bien le job en offrant une bonne accroche dans les phases de décélération.
Grip
La géométrie semble taillée pour tourner. Le boitier très bas en particulier permet de mettre beaucoup d’appui sur les virages plats et de bien caler le Stumjumper sur un rail. Comme j’ai pu constater lors du test des pneus Specialized, le combo Butcher/Eliminator ne déçoit pas et offre un bon grip sur l’angle.
De même dans les dévers et autres cassures de pente, il est toujours un peu plus facile de trouver le grip avec ce vélo. Ce trait de caractère est particulièrement marqué avec le boitier de pédalier en position basse.
Maniabilité / Dynamisme
Avec un empattement de limousine il ne faut pas s’attendre à tourner dans un mouchoir de poche. Et pourtant avec un reach contenu, j’ai trouvé facile de piloter ce Stumpjumper sur l’avant et de bien le travailler dans le sinueux. Une fois le mode d’emploi intégré, les épingles se passent facilement. Et si en plus elles sont dans la pente ou en dévers, alors il s’agit même d’un des points forts de ce vélo.
En revanche avec son poids important et une suspension assez neutre, les notions de dynamisme et de pop sont à mettre entre parenthèses.
Ici les différentes géométries apportent vraiment des différences notables. En position haute/fermée le vélo est plus facile à inscrire en courbe mais moins sécurisant quand la pente ou la vitesse augmentent. En position plus agressive, il faut plus donner de sa personne pour compenser à plus faible vitesse.
Stabilité / Franchissement
Encore une fois la géométrie fait des miracles dans la pente. Dans les positions les plus extrêmes, ce Stumpjumper est une machine à avaler la pente. Le vélo donne énormément de confiance et permet de rester en position d’attaque (et donc de garder le contrôle) même dans les pentes les plus raides. Avec ces réglages, attention au pédalier très bas qui peut toucher en franchissement ou dans les terrains les plus défoncés, même si dans ce cas précis la suspension arrière vous aura probablement rappelés à l’ordre bien avant.
Fun / Accessibilité
C’est finalement dans ce département que j’ai vraiment trouvé un point faible à ce vélo. Entre son poids conséquent et une suspension neutre qui offre peu de pop, ce Stumpjumper est un peu triste à piloter, à l’image de sa livrée. Il ne faut pour autant pas oublier les sauts où il se montre sain. En fait il faut aller chercher son pied ailleurs, dans le technique et la pente.
Au niveau de l’accessibilité, je retrouve à nouveau un vélo à double facette. En position neutre la prise en main se fait facilement. Mais il faut déjà un certain bagage technique et un pilotage volontaire pour l’exploiter. Pour vraiment tirer parti de ce vélo, il faudra passer du temps à essayer les différentes configurations, les adapter au terrain de jeu et comprendre le fonctionnement de cette machine.
Specialized Stumpjumper Evo – c’est l’heure du bilan
Il me semble important de bien définir ce Stumpjumper Evo afin de l’apprécier. Il ne s’agit ni d’un enduro ni d’un trail endurisé, pour cet exercice il existe le bien nommé Enduro. Il s’agit pour moi tout simplement d’un all-mountain moderne. Finit la philosophie du XC à gros débattement, on a une machine qui se veut polyvalente et permet de rouler tous types de terrain sans chercher à exceller partout. C’est dans les terrains pentus, techniques et sans chercher à atteindre des vitesses folles que ce Stumpjumper offre le meilleur de lui même.
+ « Multi-vélo » avec ses réglages de géométrie
+ Redoutable dans la pente
+ Efficacité en virages
+ Équipement homogène et efficace
– Demande un bon bagage technique
– Lourd
– Manque de fun
– Suspension limitée dans le cassant rapide